Château du Schoeneck association Cun Ulmer Grün |
SCHOENECK OU LES AMBITIONS DES DURCKHEIM L'état du château fort en 1517 Le château fort de Schoeneck est situé près de l'actuelle frontière qui sépare l'Alsace et le Palatinat, non loin de Dambach, dans une zone de forte concentration castrale. Les premières années de la forteresse restent largement dans l'ombre, faute de sources suffisamment solides et nombreuses. Elle est possession de l'évêque de Strasbourg dès la fin du XIIe siècle, et inféodée aux Lichtenberg de 1301 jusqu'en 1480, date de l'extinction de cette famille. Le comte de Hanau, Philippe 1 l'Ancien, et le comte de Deux-Ponts-Bitche, Simon Wecker IV, étaient les légitimes héritiers de Jacques, le dernier des Lichtenberg. Dans la lettre d'investiture de l'évêque de Strasbourg en faveur des deux comtes, il est question du Schoeneck, qualifié de "Burg"; il est difficile de tirer des conclusions sur l'état du château fort en 1480, considérant que le sens de ce mot reste assez vague. Les lettres de fiefs reprennent souvent les termes de documents plus anciens, que l'on se contentait de recopier sans tenir compte des possibles modifications intervenues dans l'intervalle. L'état de la construction ne doit pas être des plus brillants, car on sait que le Schoeneck est qualifié de château fort en ruine ("verfallene schloss") en 1517. Lors du partage des terres des Lichtenberg, la seigneurie de Schoeneck est attribuée aux Deux-Ponts-Bitche. On peut avancer deux possibilités concernant la forteresse à cette époque: soit ces nobles reçurent un château fort en mauvais état, ou bien il fut particulièrement mal entretenu entre 1480 et 1517. L'état de décrépitude est également souligné par la charte épiscopale confirmant l'investiture de Wolf Eckbrecht de Durckheim par Reinhard de Deux-Ponts-Bitche. L'évêque Guillaume de Honstein, soucieux de l'administration et de la défense des territoires dont il est le suzerain, ordonne la reconstruction (et la transformation) du château fort. Cette pratique n'est pas un cas isolé. En 1419, les sires d'Altdorf, recevant en fief le Nouveau-Windstein des mains de l'évêque de Spire, devaient déjà s'engager à construire une muraille autour de ce château fort. Guillaume de Honstein se préoccupa aussi de la restauration du Haut-Barr dans le cadre du renforcement de la principauté épiscopale. Pourquoi cette condition de la reconstruction du Schoeneck ? On peut mettre en avant le climat de tension croissante qui prépara la guerre des Paysans de 1525 (entre autres les mouvements de 1493, 1514 et 1517). Pour sa part, Reinhard de Deux-Ponts-Bitche parle du château fort, sans se préoccuper apparemment de son état. Les Durckheim, l'Alsace du Nord et la seigneurie de Schoeneck Les Durckheim sont une vieille famille noble, originaire du Palatinat. L'un des leurs fut évêque de Worms au milieu du XIIIe siècle. Ils se mirent très tôt au service de la famille palatine. Dans cette région, ils possédaient des biens à titre de fiefs palatins aux biens de cette famille aux XVIe et XVIIe siècles. Dès le milieu du XIVe siècle, les Durckheim détenaient des droits aux deux Windstein, comme parents ou héritiers des Windstein. Les parts appartenant aux Durckheim et aux autres lignages furent rachetées par l'évêque de Spire, suzerain des lieux (en 1390 pour ce qui est des Durckheim). Le Nouveau-Windstein est confié à Hans von Altdorf et son fils Heinrich en 1419; les sires d'Altdorf conservent ce fief jusqu'en 1633. A partir de 1648, le Nouveau-Windstein (ruiné ou abandonné entre 1635 et 1729 ?) fait partie des possessions des Durckheim. En 1542, la moitié du l'autre moitié du château fort. Les deux forteresses voisines du Schoeneck, Wineck (Windeck) et Wittschlôssel (Wittschloss), sont intégrées aux biens familiaux au moins dès la fin du XVe siècle. Ces deux constructions (pour Wittschlôssel s'agissait il d'un château fort dans toute l'acception ou d'une simple tour de guet ?) sont vraisemblablement délaissées dès la fin du Moyen impérial de Haguenau. Ces petits nobles accroissent progressivement leur patrimoine. En 1664, ils font des démarches pour l'inscription de leur famille dans la noblesse immédiate de Basse Alsace; elle sera effective en 1699. L'inféodation de la seigneurie de Schoeneck en 1517 s'inscrit dans cette politique d'accroissement territorial. Le bénéficiaire, Wolff Eckbrecht von Dürckheim, y est qualifié de serviteur (''diener"). Ce statut se rattache à un cadre social marqué par la féodalité dite bâtarde. A la fin du Moyen Age les obligations féodales ne permettaient plus de s'attacher la loyauté de vassaux, plus enclins à renforcer leur patrimoine qu'à servir les intérêts des seigneurs. De nouveaux statuts sont progressivement mis en place dans les grandes seigneuries à partir du XVe siècle, afin de fidéliser la noblesse: ainsi apparaissent les Diener, de Bavière et du Palatinat. Hommes de confiance engagés pour un temps déterminé, ils doivent se soumettre à des obligations explicitement spécifiées, en général une aide militaire avec plusieurs soldats; un salaire rémunère ces services, de même protection leur est accordée. Dans le cas précis de Durckheim, Diener à vie des Deux-Ponts-Bitche, c'est le fief qui fait office de rémunération. Ses obligations sont très clairement indiquées, Pour le service du comte, il s'engage à envoyer deux chevaliers même au cas où il ne pourrait pas personnellement venir Reinhard de Deux-Ponts-Bitche promet de fournir entre autres des vêtements à son feudataire. Tous ces aspects, qui soulignent le statut de Diener et les obligations qui en découlent, Les terres, villages et droits divers, rattachés à la seigneurie de Schoeneck renforcent considérablement la présence de ce lignage dans la vallée du Schwarzbach. Ce sont surtout les zones boisées qui constituent la principale richesse de la seigneurie. Cette acquisition donne de toute évidence une assise solide aux Durckheim en Alsace du Nord. Bien que seul bénéficiaire de l'acte d'inféodation de 1517, Wolf Eckbrecht de Durckheim n'est pas le seul maître du château fort Frederich Steinhuser zu Neydenfelss (ou Neidenfels). Les deux contractants jurent de respecter les clauses de cette paix, qui assure aux deux lignages la possession de la forteresse et des biens rattachés. S'agit-il de notre Schoeneck ? La date de 1517, castrale, qui précise que les litiges éventuels entre les deux parties devront être tranchés par le comte palatin, l'évêque de Strasbourg, ou le comte de Bitche. On sait que la seigneurie dépend du comté de Deux-Ponts-Bitche, l'évêque de Strasbourg étant le suzerain. La présence de la famille palatine ne doit pas surprendre; ce sont des voisins puissants auxquels sont liés les Philippe Schluchterer d'Erpfenstein et d'Elisabeth Steinhuser de Neidenfels. Sa sœur Dorothée était mariée à Frédéric Steinhuser de Neidenfels. Un château fort de Neidenfels se trouve au Palatinat, au Nord-Ouest de Neustadt. Cette famille n'apparaît dans aucun autre document sur le Schoeneck; sa présence dut être passagère. Le cas le plus vraisemblable serait l'existence d'un gage ou d'une vente au profit des Neidenfels, déjà liés par la patente aux Durckheim. Dans sa lettre de confirmation en 1517, l'évêque Guillaume de Honstein pose à deux reprises la restauration du château fort comme condition de l'investiture. Ne disposant probablement pas des fonds nécessaires pour cette coûteuse opération, Durckheim dut sans doute mettre en gage une partie de la seigneurie, à moins qu'il n'en vendit une partie; ce gage ou cette part dut être bientôt racheté pour tomber aussi vite dans l'oubli. Hormis le mauvais état du château fort en 1517 comme il apparaît à travers certains textes, on ne connaît pratiquement rien sur l'évêque de Strasbourg, on apprend que tous les occupants du Schoeneck doivent respecter ces clauses: le bailli et quiconque résidant dans la forteresse. La garnison choisie par les deux contractants de la paix castrale, devra prêter serment de la respecter comme tous ceux qui voudront pénétrer dans l'enceinte fortifiée. Dans les clauses de la paix castrale de 1517, on apprend que les tâches et obligations des contractants sont partagées. L'armement reste dans l'ombre. Seule la paix castrale nous fait part de l'existence d'armes blanches et à feu ("gesthuklukit mit Bugsen pulver und andere"), dont l'entretien, et l'usage sont communs. Des travaux au château fort Il est généralement admis que les Durckheim entreprennent la restauration du Schoeneck après 1517. Jean-Daniel Schoepflin émet des doutes sur cette reconstruction qu'il situe au XVIIe siècle. Jean-Georges Schweighauser se base sur les traditions de la famille pour défendre l'existence de travaux. Cette entreprise s'inscrit parfaitement dans la "renaissance des châteaux de montagne" décrite par Jean Wirth. La restauration de la forteresse passa par l'adaptation à l'art militaire du début du XVIe siècle. Les textes font malheureusement défaut pour la situer avec plus de précision et saisir l'ampleur des travaux. Les investitures de 1533, 1541 et 1572, se contentent de signaler le Schoeneck, sans donner d'indications sur son état ou l'avancement des travaux. Ceci n'a rien de singulier pour une lettre d'inféodation, où l'on se contentait de recopier des documents plus anciens. On sait qu'il existait des pierres portant les dates 1545 et 1547; un bloc portant le millésime 1592 fut également retrouvé. On peut en déduire que cette reconstruction ou ces travaux successifs se prolongèrent jusqu'à la fin du XVIe siècle. On peut distinguer plusieurs raisons pour expliquer ces travaux. Les directives de Guillaume de Honstein peuvent être considérées comme déterminantes. La restauration du Schoeneck est la principale condition que pose l'évêque pour approuver XVe siècle; en plus des possessions au Palatinat, cette famille réussit à accroître ses droits en Alsace du Nord jusqu'au XVIIe siècle. Pour asseoir leur autorité, gérer leurs biens, ils ont besoin de points d'appui administratifs. Centre de la seigneurie qui porte son nom, le Schoeneck joue ce rôle. Il était naturel de le restaurer pour permettre l'installation d'un bailli; par contre ce château fort ne semble servir qu'épisodiquement de résidence aux Durckheim, sauf pendant les guerres du XVIIe siècle. Faut-il réduire le Schoeneck à cette seule fonction ? Comment expliquer une tentative sérieuse d'adaptation à l'art militaire du temps ? d'une forteresse modernisée, où l'on constate aussi un goût certain du beau avec les frises qui décorent les murs des basses-cours, a paru nécessaire pour des raisons surtout symboliques. La lettre d'investiture de 1517 donne des indications assez précises sur la vallée du Schwarzbach à cette époque. On sait qu'elle était marécageuse et souvent inondée; il existait un présence de chemins (" Wege") est attestée, ainsi que celle d'une route allant de Sturzelbronn à Steinbach ("Strass die von Stürtzelbron gehn Steinbach gehet"), sur laquelle s'embranchaient sans doute des chemins vers Neunhoffen. Des communications existaient peut-être dès cette époque entre la vallée du Schwarzbach et celle du Steinbach, par le vallon étroit entre les châteaux forts de Schoeneck et Wineck. En tout cas cette vallée n'a rien d'une grande voie de communication, comparable aux grandes artères que sont le val de Villé ou le col de Saverne. Les Durckheim n'ont par conséquent aucunement Schoeneck, il faut étendre géographiquement le champ d'étude. Rapporté à l'ensemble des possessions de ce lignage, le château fort représente approximativement le centre de gravité, le pivot à mi-chemin entre les terres du Nord de l'Alsace et celles du Palatinat. Cette situation a pu motiver la transformation de la forteresse, reconnue comme pièce-maîtresse de la famille. Le choix du Schoeneck est aussi lie à des considérations techniques. Le site, haut de 365 mètres à la base des rochers, des troupes ennemies. Le sommet du Fischerberg domine la forteresse à moins de 300 mètres; la pente raide, le terrain fortement boisé, interdisaient à toute artillerie lourde de s'y installer pour canonner le Schoeneck. on peut faire la même remarque pour les sommets environnants, présentant tous une forte déclivité. Il faut également observer que la situation à l'échelle de la vallée constitue aussi un atout. La circulation pour une armée en campagne devait y être délicate. De plus le Schoeneck est encore niché dans un vallon isolé; un rapport français de 1680 souligne cet isolement: "tellement environné de montagnes et de bois qu'il y a du moins six lieues de là à la plaine plus prochaine". Fallait-il encore que l'assaillant ait ces canons, le matériel d'approche, les cantonniers et les pontonniers nécessaires. Les Durckheim entretenaient par ailleurs de bonnes relations avec les puissants susceptibles de mettre en oeuvre ces moyens, et au service desquels ils se mettaient. il ne Différentes transformations rendues nécessaires par l'introduction des armes à feu peuvent être observées, sans pouvoir être datées avec précision, mais vraisemblablement postérieures à 1517. Elles furent réalisées en plusieurs étapes successives comme le confirment les dates de 1545, 1547 et 1592. L'entrée Sud du château fort, avec sa barbacane et ses deux ouvrages avancés (construits sur plusieurs étages ?), présente un intérêt évident. L'organisation des défenses est conçue de façon judicieuse. Particulièrement menacé, ce front décrit un angle rentrant au niveau de la langue rocheuse médiane. De ce fait tous les dispositifs concentraient leurs feux vers l'entrée et croisaient leurs tirs sur l'esplanade. De nombreuses meurtrières protègent l'accès et assurent un flanquement satisfaisant de la avec beaucoup de raffinement, comme celles des deux ouvrages avancés; les pierres à bossage qui entourent les embrasures constituent un ornement certain, mais faisaient également ricocher les projectiles ennemis; ces meurtrières sont façonnées avec beaucoup de soin, et couvrent un large champ de tir. L'utile est ici associé à l'agréable. Le château fort présente également plusieurs tours flanquantes conçues pour le maniement des armes à feu. Le mur d'enceinte de la basse-cour orientale en compte deux. La plus méridionale flanque tout le côté Est de la forteresse. L'ouvrage n'est pas conservé sur toute sa hauteur. Trois embrasures au minimum permettaient un tir plongeant et flanquant. Une tour extérieurement de forme polygonale est conservée à l'angle du mur Est et Nord. Elle est plaquée contre l'enceinte qui lui est par conséquent antérieure. Conservées sur deux niveaux, les meurtrières sont composées de simples montants dessinant une fente verticale. Elles sont très différentes des autres types que l'on rencontre sur ce site. Étaient-elles véritablement étudiées pour l'utilisation d'armes à feu ? il faut remarquer à ce propos que les créneaux de mousqueterie adoptés dans la fortification bastionnée classique ressemblent à ce type d'embrasures. Le dispositif le plus remarquable est situé sur le côté occidental. Une imposante tour d'artillerie est littéralement accrochée au rocher sur lequel se développaient des constructions aujourd'hui pratiquement totalement ruinées. Quatre canonnières permettraient des tirs à distance et de flanquement dans toutes les directions, sur deux étages (le niveau inférieur n'est pas accessible). Les deux dispositifs de l'étage supérieur présentent un trumeau central, qui sépare deux directions de tir et assure la solidité de ces embrasures. Une profonde niche voûtée prolonge les canonnières proprement dites. Vu l'épaisseur des murs, (jusqu'à 3 mètres du côté Nord), cette tour était capable de résister contrebattre l'ennemi, et surtout mitrailler les assaillants avançant vers les murs. Une autre tour aux dimensions plus modestes, équipée d'embrasures pour armes légères, assure le flanquement du front Ouest, de concert avec une meurtrière placée dans le décrochement du mur d'enceinte de la basse-cour occidentale. L'étroite zone comprise entre la grande tour d'artillerie et la petite tour de la basse-cour Ouest, permet d'apprécier l'importance donnée à la lutte contre les angles morts. Le secteur est fortement défendu sur plusieurs niveaux par des tirs rasants, plongeants et verticaux. Les projectiles étaient tirés depuis les canonnières de la grande tour, les meurtrières de la tour d'angle, ainsi que par quatre embrasures situées dans le pan de courtine compris entre les ouvrages susnommés. Il ne faut pas vouloir chercher de savants calculs et une théorie bien établie du flanquement; ici on essayait plutôt de résoudre le problème de façon empirique, mais avec une réelle efficacité. Outre les canonnières de la grande tour d'artillerie et les meurtrières en forme de gueule des deux ouvrages Sud, on trouve d'autres types d'embrasures pour armes à feu. On observe une meurtrière en trou de serrure dans l'échauguette-bretèche qui surmonte la porte d'entrée de la basse-cour orientale; ce dispositif est semblable à celui qui protège la zone déjà évoquée entre qu'une bonne sécurité du tireur s'agissant pour la plupart d'embrasures pour armes portatives. Une petite niche permettait à l'arquebusier de déposer ses accessoires, et de manier son arme avec un maximum de confort dans la direction choisie. On remarque l'appareil soigné de plusieurs murs. Les murailles en grand appareil lisse, bordant les deux basses-cours, sont caractéristiques du XVIe siècle en Alsace. On constate un contraste assez marqué entre ces murs, et certains ouvrages souvent en moellons avec des assises irrégulières. On note aussi des appareils différents pour le front Sud, qui fit l'objet de renforcements et de remaniements successifs: les murs prolongeant la basse-cour orientale, avec la porte murée masquée par l'ouvrage Sud-est, et l'enceinte occidentale bordant la fosse d'entrée. Ces remarques concernent le corps principal du château fort, tel qu'on le découvre actuellement. Réalisé il y a un siècle, le plan établi par Julius Naeher est très utile, car il attire notre attention sur des structures pratiquement disparues. Ce relevé indique que l'esplanade en avant de l'entrée Sud et le côté Ouest de la forteresse étaient entièrement clôturés par des braies; un chemin d'accès en épingle à cheveux permettait de pénétrer sur cette esplanade. En moellons plus ou moins grossièrement appareillés, quelques pans conservés sur une faible hauteur témoignent encore aujourd'hui de l'existence de telles structures; il ne faut pas les confondre avec les amoncellements de pierres résultant de la destruction du château fort, et des travaux successifs de restauration anciens et récents. Ces murs sont de faible épaisseur (50 cm environ). Ils étaient peut-être complétés par des éléments en bois, sous forme de palissades. Nous avons remarqué la présence de semblables vestiges sur le flanc Est de la forteresse. Cependant, ils sont trop insignifiants pour se prêter à une étude plus fine, en l'absence de recherches archéologiques dans ce secteur. La question des éventuelles fausses braies reste ouverte. Robert Will ne retient pas cette hypothèse. Pour l'auteur les deux basses-cours et leurs murs enserrant la table rocheuse, remplissent respectivement les rôles de lices et de braies. D'autres explications concernant ces vestiges peuvent être retenues. Etant donné la forte pente entourant le site, il pourrait s'agir de murets simplement destinés à retenir le sol, afin de maintenir une aire très faible hauteur. Le XVIIe siècle: les guerres et l'incendie de 1663 Le rôle du château fort est plutôt réduit pendant la guerre de Trente Ans. Son isolement le protégea contre les raids des différents belligérants. Il semble avoir surtout servi de refuge aux populations des environs, ce que confirme un document de 1663. Dans le même texte, il est aussi précisé que ce château fort a pu remplir cette mission grâce à ses fortifications ("um seiner befestigung willen"). Bien que résidant habituellement à Froeschwiller, les Durckheim y firent des séjours plus ou moins longs en ces temps troublés. Les prétentions militaires du Schoeneck étaient par conséquent réduites à un rôle plutôt passif. La paix revenue, la garnison n'était composée que de quelques soldats. Un incendie accidentel ravage le château fort le 22 mars 1663; il s'agissait d'un feu de forêt qui se propagea aux constructions. Hanau-Lichtenberg) donne des indications précises sur l'ampleur du sinistre. On y apprend que les voûtes, les portes, les ponts-levis sont détruits; le mobilier et les registres sont perdus. Cette description énumère les dommages subis avec un sens très travaillé du dramatique; n'y a-t-il pas quelque exagération dans ce récit ? En effet il faut souligner que le destinataire est le comte de Hanau-Lichtenberg, auquel s'adressent les Durckheim pour arracher des subsides. Cet incendie est attesté archéologiquement; il apparaît dans la stratigraphie de la fosse d'entrée Sud, fouillée par l'Ecole d'Architecture de Strasbourg. Annoncer simplement cette catastrophe ne suffisait pas. Wolf Frédéric de Durckheim avance des arguments pour présenter cet sans ces fortifications. Afin de permettre une reconstruction dans les plus brefs délais, Durckheim demande une subvention (''beysteur'') aux Hanau-Lichtenberg, comme à tous les seigneurs voisins. Le comte Johann Ludwig von Leiningen (Linange) lui On sait que les Durckheim connaissent des difficultés financières à cette date. La réponse de la Régence ne fut pas favorable; dans un document du 25 avril, on apprend qu'elle repousse la demande de subvention de 100 écus d'argent, alléguant qu'il ne s'agissait pas d'une urgence et qu'il ne fallait pas exagérer le rôle du château fort. Dans une lettre du 26 mai, Durckheim formule le souhait du versement prochain de cette subvention, et demande une grue pour soulever les pierres. On ne sait pas si l'argent fut versé et dans quels délais. Considérant le nombre de lettres envoyées par les Durckheim à Bouxwiller on peut saisir l'intérêt que porte cette famille à un château fort, encore au milieu du XVIIe siècle. Les Durckheim croient-ils encore à la valeur militaire de ce type de construction, ou voient-ils plutôt le symbole d'une certaine indépendance ? Les deux facteurs ont pu se superposer. Cette reconstruction tant souhaitée fut-elle menée à bien ? Il est difficile d'apprécier les travaux. Une approche a été tentée pour le front Sud, à partir de l'étude des couches archéologiques de la fosse d'entrée. Cette reconstruction fut sans doute très partielle, se limitant au strict minimum. Les Durckheim n'avaient de toute évidence plus les moyens financiers de leurs ambitions politiques. Plusieurs documents apportent des indications sur le rôle joué par le Schoeneck au cours du rattachement progressif de l'ensemble de l'Alsace au royaume de France. On sait que les Durckheim sont des serviteurs fidèles des Palatins. Ils obtiennent Isenburg et gouverneur du comté de Sponheim. Des soldats de cette formation sont placés en garnison au Schoeneck et peut-être aux deux Windstein. Ennemi de Louis XIV, l'Electeur charge son serviteur de combattre les troupes royales. Wolf-Fredéric de Durckheim se servit de cette mission pour défendre au mieux ses propres territoires, cherchant par là à maintenir l'indépendance de ses possessions. Deux lettres envoyées à la Régence de Saverne en 1673 sont des demandes en vue d'une lettre de sauvegarde épiscopale pour ses terres et le Schoeneck en particulier; on sait à partir d'un document de 1674 qu'elle fut refusée. Le rôle dévolu au Schoeneck durant cette période ne semble pas différent de celui joué pendant la guerre de Trente Ans. Un rapport détaille sur les événements de 1674 donne plusieurs informations. La menace française se précise. Les Durckheim quittent Froeschwiller qualifié de résidence ordinaire, et se retirent au Schoeneck avec les populations des environs. Devant la menace d'une attaque d'un corps français de 500 hommes, l'Electeur palatin accorde 30 soldats, mais demande bientôt le retrait de son contingent. Les opérations de harcèlement des troupes royales et les entreprises de ravitaillement se succèdent. On apprend qu'un détachement de 15 soldats est envoyé pour harceler l'ennemi; une autre fois 55 hommes sont chargés d'une mission. S'agissait-il toujours de troupes exclusivement cantonnées au Schoeneck ? Rien n'est moins sur; en effet on sait que Durckheim commandait à cette époque la garnison de Schoeneck, mais aussi celle de Fleckenstein. Il n'est jamais question des châteaux forts de Windstein, encore moins de garnisons installées dans leurs enceintes; ceux-ci sont progressivement abandonnés au cours du XVIIe siècle. Cet abandon n'est pas lié à des événement militaires, comme le veut la tradition populaire. L'attitude des Hanau-Lichtenberg à cette époque paraît plutôt ambiguë. La Régence de Bouxwiller refuse les quelques hommes demandés par Durckheim afin de renforcer le Schoeneck. De plus, leurs troupes se livrent à des actes d'agression notoire contre leurs vassaux. Un rapport contient les plaintes de ces derniers pour 1674. Des soldats attaquent le château fort sans succès. Ils pillent surtout les environs, saccagent les habitations de Neunhoffen. Mieux, ces troupes vont jusqu'à soudoyer la garnison du château fort, pour faire assassiner Wolf Frédéric de Durckheim ("durch offerirung vielen gelds den von Turckheim umbzubringen"). Cette sombre anecdote en dit long sur la confiance que l'on pouvait avoir dans une garnison, peu motivée et faiblement expérimentée. On peut essayer d'expliquer cette attitude passablement agressive. Il semble que des heurts fréquents aient eu lieu lors des réquisitions effectuées par les soldats de Durckheim sur les terres des Hanau-Lichtenberg; ainsi il pourrait s'agir de mesures de représailles pour punir le zèle trop ardent déployé lors de ces opérations. Le comportement des Hanau-Lichtenberg vis-à-vis de la souveraineté française, bientôt inévitable, est aussi ambigu; ils paraissent plutôt agacés par la fougue guerrière des Durckheim. La garnison du Schoeneck réussit à repousser une attaque du marquis de Vaubrun en 1676. Dans une lettre de 1680, adressée château fort. Wolf-Frédéric de Durckheim réside à Froeschwiller au moins jusqu'en avril 1680 ; il quitte la région au cours du mois d'avril ou de mai. A partir du 29 avril 1680, le Schoeneck est occupé par les troupes françaises ; Froeschwiller est aussi investi. L'utilisation de la formule "belegt" (mettre garnison dans) nous incline à croire qu'aucun combat ne fut livré autour du château fort. Il a probablement été évacué au moment de la fuite des Durckheim au Palatinat. Pourtant dans son document français de 1680, il est souligné que les murs de la forteresse n'étant pas assez épais "on en a pu prendre". Y a-t-il eu une résistance en 1680 ? On ne peut le dire avec certitude à partir des documents conservés. Les possessions alsaciennes des Durckheim sont confisquées; ceux-ci s'en plaignent auprès de l'évêque de Strasbourg. Elles furent restituées par la suite à leurs propriétaires. Les Durckheim paraissent s'être assez bien accommodés de la tutelle française. L'inscription de cette famille dans la noblesse immédiate de Basse Alsace est effective en 1699. Elle entraînait la reconnaissance de la souveraineté française par la prestation d'un serment de fidélité. La mort de Wolf Frédéric en 1698, qualifié de "grand voleur de sa profession" par les Français en 1680, n'est probablement pas étrangère à cet apaisement. Avant la destruction du château fort en novembre 1680, un dernier document donne des renseignements sur son état au moment de l'installation des troupes royales. Les constructions sur le rocher sont abandonnées. Les murailles entourant la barre gréseuse sont en meilleur état, "fort élevées". Il n'est à aucun moment question d'une deuxième enceinte basse ou de murets de retenue. De nombreuses portes et des ponts-levis doubles sont aussi signalés. Les bâtiments (les logements, la boulangerie, les écuries) sont pour la plupart dépourvus de toitures. Cette remarque laisse penser que le château fort est plus ou moins à l'abandon en 1680, ou très faiblement occupé. La faible épaisseur des murailles, l'absence de fossés (celui du côté Nord est ignoré), la pente jugée trop faible (sur le côté Sud les courbes de niveaux sont moins resserrées qu'ailleurs), le relief environnant dominant la forteresse, sont jugés comme "défauts considérables". Pourtant remis facilement en état, le Schoeneck pourrait accueillir plus de 150 soldats et 50 chevaux, et se "faire marchander même avec de gros canons". Sur le plan strictement technique, les remarques positives et négatives se contrebalancent globalement. Ce sont des considérations stratégiques, comme son éloignement de la plaine, et les coûts financiers, qui déterminent le jugement suivant: "mon avis est de le raser raz pied et raz terre". Témoin de la destruction, un tunnel de sape est visible à la base de la grande tour d'artillerie Ouest. Les matériaux découverts dans la fosse d'entrée Sud confirment ce démantèlement: on y trouve des éléments de maçonneries; des bardeaux de couverture et du bois de construction ont été brûlés). L'année 1517 est une date importante pour les Durckheim, petits nobles actifs, possessionnés en Alsace du Nord et au Palatinat. La seigneurie de Schoeneck, avec son château fort, leur est attribuée à titre de fief. Elle est assurément l'une des pièces-maîtresses de la vallée du Schwarzbach, qui passe progressivement sous le contrôle de cette famille entre la fin du Moyen Age et le XVlIe siècle. Symbole de leur autorité, le Schoeneck est conséquemment reconstruit et transformé selon les règles de l'art militaire du temps. Leur désir d'indépendance est souvent cité en exemple. Au XVIIe siècle, ils restaurent leur forteresse détruite par un incendie. Au cours de la même période, ils sont parmi les adversaires les plus résolus de la France, luttant activement contre la souveraineté sans partage qui s'installe dans la région. Ces faits ne reflètent pourtant que partiellement la réalité. Les Durckheim dépendent du puissant Electeur palatin qui leur accorde des charges diverses. Au moment de la reconstruction du château fort après 1663, Wolf Frédéric de Durckheim fait appel aux Hanau-Lichtenberg. Dans les années 1670-1680, le même défend le Schoeneck en qualité d'officier d'un régiment palatin. Certes les Durckheim furent des seigneurs parmi les plus actifs de la région; leur réussite territoriale est indéniable et exemplaire. Mais l'histoire du Schoeneck, en particulier dans la deuxième |
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